Ourse en Aspe Pour la présence de l'homme et de l'ours sauvage en montagne.

Reconstitution de la mort de Canelle le 08.11.2005

La mort de Canelle et l'ouverture d'une information judiciaire

Pour rappel, il y a un peu plus d'un an, le 1er novembre 2004 au matin, six chasseurs de la société de chasse locale d'Urdos partent chasser le sanglier sur les hauteurs de la rive droite de la haute vallée d'Aspe. Mais à la mi-journée, René Marquèze tua l'ourse Canelle dans le secteur de la cabane du Rouglan. Une information judiciaire est ouverte dans la foulée pour destruction d'espèce protégée. Mais l'instruction, confiée au juge Jean-Luc Puyo, n'est pour l'heure toujours pas bouclée.

Un peu plus d'un an après la mort de Canelle, la reconstitution de la mort de l'ourse est organisée, mardi 8 novembre 2005, sur le lieu d'abattage de la dernière ourse de souche pyrénéenne, afin de savoir pourquoi les fusils ont parlé ce jour là, alors que la présence de l'ourse et de son ourson avait été indentifiée dans ce secteur le 30 octobre, puis signalée au directeur de l'IPHB le 31 octobre, lequel a prévenu les sociétés de chasse d'Urdos et d'Etsaut.

Parmi les parties civiles, on note 19 associations et organismes, dont le Fond d'Intervention Eco-Pastoral, France Nature Environnement (tous deux représentés par Me Jean-François Blanco), la SEPANSO (représentée par Me François Ruffié), le WWF (représenté par Me Brard), la SPA, la Fondation Brigitte Bardot ...

La reconstitution
Le juge d'instruction palois Jean-Luc Puyo , la vice-procureur du parquet de Pau Marie-Noëlle Jaffart , la substitut Melle Caroline Gaussens , 4 des 6 chasseurs convoqués dont René Marquèze , son avocat Me Thierry Sagardoytho et 6 avocats des 19 parties civiles se sont donc rendus vers 10 heures sur les lieux, plus précisément au Pas de l'Ours, à 1200 mètres d'altitude, au dessus du village d'Urdos.

Une soixantaine de gendarmes bloquaient l'accès à la cabane de Rouglan afin d'éviter toute intrusion. Lors de la reconstitution, un gendarme de la brigade d'Oloron a été blessé à la cuisse par la chute d'un rocher. Il a été héliporté jusqu'à l'hôpital d'Oloron pour y être soigné.

Pendant près de 4 heures de reconstitution, René Marquèze a dû repréciser le déroulement des évênements, refaire un à un tous les gestes qui l'ont amené à tirer sur l'ourse (simulée pour la circonstance par une simple planche en bois) et répondre aux parties civiles. La confrontation de sa version des faits à la configuration des lieux est très attendue par toutes les parties au procès.

Quelques incidents entre avocats ont d'ailleurs émaillé la reconstitution.

L'avis René Marquèze et de son avocat
René Marquèze a toujours affirmé ne pas avoir eu d'autres choix, que celui de tirer l'ourse, en ce lieu escarpé et dangereux, tant l'ourse était agressive. Le chasseur et son avocat, Me Thierry Sagardoytho, défendent la thèse de "l'état d'extrême nécessité" pour justifier la mort de l'ourse et espèrent que cet acte d'instruction aboutira sur un non-lieu. Ce dernier souligne également qu' "aucune infraction de chasse n'a été relevée".

A l'issue de la reconstitution, René Marquèze a simplement déclaré : "Je suis soulagé... Il fallait le faire... pour le reste, adressez-vous à mon avocat". Me Thierry Sagardoytho a souligné que "chacun a pu constater que les lieux ne ressemblent guère au boulevard Haussmann, avec une pente très inclinée. Mon client a revécu la triste rencontre de sa vie avec un fauve menaçant qui, pour protéger son petit, était prête à intenter à sa vie. Je mets quiconque au défi de dire comment il pouvait préserver sa vie autrement".

Il a également plaidé le fait que la présence de l'ourse et son petit avait bien été signalée, mais plus haut dans la montagne et que les parties civiles ont pu "prendre conscience" aujourd'hui qu'il y avait bien "légitime défense" de la part du chasseur : "René Marquèze a rencontré un fauve... Comment pouvait-il faire autrement que de se défendre ? ... Cela relève surtout de l'héroïsme. La légitime défense est désormais un point commun que nous avons avec la partie civile... Nous n'avons pas à subir le lobby écologiste et cette affaire doit se conclure par un non-lieu".

Il a enfin dénoncé "une littérature de salon", "un festival de bêtises", "une collection d'hypocrisies", ainsi que la volonté de la partie civile d' "essayer de déplacer le débat".

L'avis des avocats des parties civiles
A l'avocat de René Marquèze qui précise qu' "aucune infraction de chasse n'a été relevée", Me Jean-François Blanco répondait, avant la reconstitution, que pour lui "la destruction d'une espèce protégée est en soi une infraction" et que son fondement tiendrait "dans la présence des chasseurs dans cette zone répertoriée comme refuge de l'ours depuis des temps immémoriaux. Les chasseurs ne pouvaient pas l'ignorer. L'endroit s'appelle d'ailleurs le Pas de l'Ours...".

De même, lorsque Me Sagardoytho indique qu'aucun texte juridique n'interdisait la chasse en ces lieux, Me Blanco déclare que "juridiquement, lorsqu'une espèce est protégée, son biotope l'est aussi. Le recours à un acte réglementaire n'est pas nécessaire. Il avait d'ailleurs été abandonné après la création en 1992 des zones Lalonde qui étaient contestées par les chasseurs. Il avait été décidé de privilégier la contractualisation en associant tout le monde, dont les chasseurs, de faire confiance en leur raison. Les déplacements des ours étaient communiquées. La veille de la mort de Canelle, les chasseurs d'Urdos comme les autres avaient été informées de sa présence".

Il attend cette reconstitution pour se forger une opinion définitive mais ne cache pas que pour lui, "il s'agit de vérifier que Canelle et son ourson ont été pris au piège" car explique-t-il, "de l'avis des naturalistes et des constations qu'ils font sur le terrain, l'ours fuit l'homme. La version de René Marquèze est incompréhensible sur le plan comportemental humain.".

Me Blanco s'appuie aussi sur les déclarations d'un garde-moniteur du Parc national des Pyrénées qui avait rencontré René Marquèze et le président de l'ACCA d'Urdos, quelques jours avant le drame, et qui leur avait signalé la présence de Canelle et son ourson. Les deux hommes l'avaient remercié pour l'information mais lui avaient aussi glissé que cela ne les arrêterait pas, évoquant même clairement l'hypothèse d'un funeste destin pour l'ourse... Si Me Blanco se refuse "à tout procès d'intention" et ne plaidera pas la volonté délibérée de chasser l'ourse, il voit dans cette phrase la preuve que "Canelle gênait les chasseurs dans l'exercice de leur passion".

Désormais, place à la reconstitution. 6 avocats des 19 parties civiles étaient présents sur les lieux ce 8 novembre 2005.

Me Jean-François Blanco, qui s'est glissé à l'endroit où René Marquèze s'est refugié avant de remonter et de se retrouver face à Canelle, a affirmé qu' "il pouvait s'en sortir autrement. En contrebas, une issue était possible pour tout montagnard expérimenté. En revanche, l'ourse ne pouvait, pour regagner sa couche, qu'emprunter le passage où elle a été piégée et tuée". Il a également indiqué qu'il n'estime pas crédible le comportement de l'ourse tel que décrit par le prévenu : "C'est contraire à toutes les constations des scientifiques. Un ours ne charge pas l'homme et ne le place pas quarante minutes sous surveillance".

Pour lui, "il y aura un procès... Les faits se sont bien déroulés dans la zone refuge, à 100 mètres du lieu de couche de Canelle et son ourson. Les chasseurs étaient postés aux endroits où, 48 heures avant, les naturalistes avaient repéré des traces, communiquant l'information aux chasseurs." a-t-il dit. "Ces informations ont été utilisées pour débusquer Canelle. Le but était de la repousser pour retrouver un territoire de chasse."

Il estime que les chasseurs "ont trahi et utilisé à leur profit les informations communiquées 48 heures avant". Il pense même que "la responsabilité pénale des autres chasseurs doit être recherchée pour complicité, ainsi que la responsabilité civile de l'ACCA d'Urdos et de la Fédération des chasseurs".

Me Lionel Brard abonde dans le même sens, en affirmant même que "cette reconstitution a permis de conforter le sentiment qu'on a affaire dès le départ à une chasse à l'ours" et qu' "il y a suffisamment d'invraisemblances, d'anomalises pour que la thèse d'une battue convenablement organisée puisse résister". En effet, "on ne chasse pas dans une zone à ours, de surcroît sans sifflet ou corne, quand on sait qu'il y a une femelle et son ourson". Selon lui, "la volonté à l'entrée de l'automne de débusquer Canelle correspondrait à une situation de tir. Je ne crois pas en l'accident mais en un comportement collectif dont il ne pouvait ressortir que la destruction. Le procès continuera et des comptes vont être demandés".

Enfin, Me François Ruffié pose quant à lui d'autres questions : "Pourquoi, une fois l'ourse levée, les six chasseurs n'ont-ils pas fait de rappel général et mis fin à la chasse ? Pourquoi Marquèze, lorsqu'il informe par portable ses compagnons de la présence et qu'ils lui disent "on arrive", ne les attend-il pas ?"

Sources :
Sud-Ouest des 08 et 09/11/2005
La Dépêche du Midi du 09/11/2005
Var-Matin du 09/11/2005

Compilées par Mathieu Krammer

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Le Berger et l'Ours
Canelle, une chanson pour l'Homme et pour l'Ours
Canelle, slam par Kalune
Ours, dix erreurs fréquentes
Ours brun en Europe
Chronologie du long déclin de l'Ours en France
J'ai vu l'homme qui a vu l'ours
La mythologie de l'ours
Jean de l'ours
La gestion de l'ours par l'IPHB
Communication de Monsieur Serge Lepeltier
En Béarn, des montagnes sans ourses
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