Ministre de l'écologie et du développement durable sur la survie de l'ours dans les Pyrénées, le 13 janvier 2005.
1/ Un enjeu planétaire : la survie des espèces menacées
La question de la survie des ours dans les Pyrénées n'est pas une
question posée seulement à la France.
Elle fait partie d'une question plus vaste posée à l'humanité
tout entière, qui est celle de sa cohabitation, sur cette planète qui nous
a vu naître et qui est notre seul milieu de vie possible, avec la nature dans
ce qu'elle a de plus authentique.
Depuis cinquante ans le développement des activités humaines est entré dans
une concurrence de plus en plus vive avec ce qui reste de nature sauvage sur
la terre.
Sous toutes les latitudes, qu'il s'agisse de la terre ferme ou
des océans, l'homme doit partout choisir aujourd'hui entre poursuivre
un développement indifférent des richesses de la nature, et alors inéluctablement
la détruire, ou bien trouver les voies d'un développement non destructeur
de la nature.
Partout dans le monde la question est posée, que l'on pense aux baleines, partout sur les océans, aux éléphants ou aux rhinocéros en Afrique, au tigre de Sibérie, aux Tortues marines ou aux dizaines de milliers d'espèces animales et végétales, connues ou même encore inconnues aujourd'hui menacées.
Chacun doit prendre sa part de responsabilité.
Nous le demandons, pour ce qui est leur part aux autres peuples.
Les ours font partie de la part des français.
2/ La décision du Gouvernement français : une perspective à la fois ambitieuse et raisonnable
Dans ces conditions le Gouvernement ne pouvait se cantonner dans l'attentisme
et l'inaction qui ont prévalu jusqu'en 2002.
En même temps le Gouvernement ne peut ignorer les difficultés réelles que
pose de nos jours la présence de l'ours aux habitants des Pyrénées.
Le Gouvernement a donc décidé de donner une perspective à la fois ambitieuse et réaliste et, tout en agissant, de donner à chacun et à tous les moyens et le temps de s'adapter.
L'objectif, c'est le doublement de la population d'ours dans le massif pyrénéen d'ici à trois ans.
Ils sont aujourd'hui, entre 14 et 18 sur le massif pyrénéen.
L'objectif est la trentaine fin 2008.
L'action s'engage dès cette année : le Gouvernement a décidé
de réintroduire cinq ours, et plutôt des femelles, à l'automne prochain.
Il faut que nous ayons rapidement davantage d'oursons parmi nos ours.
3/ Un dialogue local approfondi va être conduit
Cette perspective et ce délai nous laissent le temps d'un véritable
travail collectif d'accompagnement et de dialogue.
Il nous reste à décider, d'ici à l'été, c'est-à-dire à fin
juin de multiples paramètres :
A cet égard dès les prochains jours, les Préfets assistés de l'ensemble
des services de l'Etat compétents engageront un important processus
de concertation et de dialogue avec les maires de l'ensemble du massif
pyrénéen, d'une part ; avec les représentants professionnels et institutionnels
(chambres d'agriculture et syndicats agricoles, représentants économiques,....)
avec les associations enfin dont les fédérations de chasseurs.
Aux fins d'y contribuer, une mission sera confiée à deux inspecteurs
généraux, l'un issu du Ministère de l'Agriculture, Monsieur Alain
ESCAFRE, l'autre du Ministère de l'écologie, Monsieur Eric BINET.
Cette décision du Gouvernement doit également s'accompagner d'une démarche d'écoute d'habitants des Pyrénées.
Enfin j'entends approfondir les relations avec nos partenaires espagnols et andorrans pendant toute cette période : les Pyrénées sont partagées avec eux.
Je suivrai personnellement avec mon collègue Dominique BUSSEREAU, l'évolution
de ces différentes formes de discussion et de dialogue.
Elles doivent conduire, à une définition précise des actions d'accompagnement
qui seront nécessaires.
A l'issue des premières réintroductions, celles de 2005, nous disposerons
encore d'une dizaine de mois pour mettre en œuvre l'ensemble
de ces mesures.
" Je m'engage par ailleurs à évaluer régulièrement, les actions qui
seront conduites, la première fois au plus tard en juin avant de décider définitivement
des lieux et modalités d'introduction pour 2005. "
Ce processus permet à l'Institution Patrimoniale du Haut Béarn, qui a lancé de longue date une démarche de concertation très approfondie, de poursuivre la constitution du dossier de réintroduction décidé en 2004 et l'ensemble des consultations qu'elle a prévues sans être perturbée.
4/ Cette décision s'intègre dans le perspectives d'avenir pour le massif pyrénéen
D'une part l'ours est demeuré présent dans le massif des Pyrénées.
Il n'en a fort heureusement pas disparu.
La question posée n'est pas celle de son retour mais celle de sa survie
à long terme.
D'autre part, qu'il y ait ou non de nouvelles introductions d'ours, le monde, les conditions économiques notamment, continuent à évoluer très vite et à nous forcer à nous adapter : qu'il y ait ou non réintroduction d'ours, l'activité pastorale va continuer à évoluer dans les dix prochaines années comme elle n'a cessé d'évoluer jusqu'à présent. Elle n'est pas figée.
L'enjeu de la survie de l'ours ne nous impose pas, à lui seul, de faire évoluer nos conceptions, nos pratiques et nos habitudes.
Même sans lui il nous faudrait nous adapter.
L'enjeu de la survie de l'ours impose donc seulement d'intégrer les spécificités liées à sa présence, dans ces évolutions inéluctables. Il s'agit seulement de mieux en prendre conscience et de mieux tenir compte.
5/ L'humanité est solidaire dans le combat pour sauver de la destruction les espèces menacées
Chaque pays, chaque continent, doit faire des efforts pour renverser les pratiques, économiquement, socialement, culturellement légitimes jusqu'à ce jour, mais qui, si nous les laissions durer, condamneraient des milliers et des milliers d'espèces vivantes à la disparition.
Imaginerions-nous un monde sans les baleines, sans les tigres, sans les éléphants sans les requins, sans les pandas, sans la multitudes d'oiseaux, d'insectes, de plantes aujourd'hui menacés ?
Ce que nous demandons aux autres pays du monde, chacun concerné par l'une ou l'autre de ces espèces, de quel droit pourrions-nous nous en abstraire pour les espèces menacées qui vivent chez nous ?
Sans doute sauver les ours des Pyrénées ne se fera pas pour nous sans efforts mais c'est une part de l'avenir de l'humanité qui se joue là. Une part d'un enjeu crucial où l'humanité n'a pas d'autre choix que de réussir.
Nous avons le temps pour y réfléchir (d'ici à juin), puis pour agir, évaluer et enfin adapter régulièrement nos actions.
Nous en avons les moyens. Nous en sortirons tous plus fort.
C'est ce beau défi que je propose de relever.
Source : www.ecologie.gouv.fr
Photo : A. Torrent