Canelle, slam par Kalune

Elle était reine de nos montagnes, humble matrone
au fil des âges, son pelage était sa couronne
elle était gardienne des ruisseaux
attirée par le reflet de la Lune sur l'eau
elle était l'héritage d'un monde si ancien
que les loups face à elle aboyaient comme des chiens
contemplant les sommets et les neiges éternelles
c'était le royaume de Canelle
dernière ourse femelle d'une grande lignée
digne représentante de nos belles Pyrénées
sur ces douces contrées où les vaches vont paître
l'être humain a chassé ses ancêtres
des siècles d'écocide, de battues
sous le regard inquiet des gypaètes barbus
était-ce la suite logique, ou le destin peut-être
Bientôt Canelle allait disparaître

REFRAIN:
Elle était reine de nos montagnes
Mais le Monde n'avait plus besoin d'elle
Entre la France et l'Espagne
Etait le royaume de Canelle

+ CHOEURS OCCITANS:
Adieu paura (au revoir ma pauvre)
Adieu Orsa (Au revoir, mon ourse...)

Elle a vu pousser les villages
s'échapper les lourdes fumées blanches des écobuages
Elle a vu la Bigorre devenir ce qu'elle est
Des câbles et des pylônes traverser la vallée
apeurée par le chant des clarines
partout des pâturages, des enclos, des prairies
seule face au danger de perdre sa couronne
de plus en plus de bergers pour nourrir les hommes
Puis d'immenses barrages se dressèrent autour d'elle
créant des paysages de lacs artificiels
des routes par centaines, des baraques à touristes
des trous dans la falaise pour faire des raccourcis
elle a contemplé le désastre
déplorant le silence des oiseaux dans les arbres
à l'ombre des reliefs, des pasteurs en errance
Canelle, combien d'espèces disparaissent en silence

REFRAIN + Choeurs occitan

il ne restait que vous, au revoir notre reine
la folie est humaine, un point de non retour
ils ont réintroduit quelques ours slovènes
Mais votre espèce est finie, éteinte pour toujours
Quand sous les yeux de votre ourson
Victime d'un chasseur et des valeurs qu'il incarne
vous fûtes tuée sans raison
le 1er Novembre 2004, en Béarn

FIN / CHOEURS OCCITAN:
Tu t'en vas e ieu demori (tu t'en vas et moi je reste)
Tu t'en vas e ieu demori (tu t'en vas et moi je reste)
La joinessa fa la fèsta (la jeunesse fait la fête)
Lou biòu dança, l'ase canta (le boeuf danse, l'âne chante)
La joinessa fa la fèsta
Lou biòu dança, tu t'en vas
La joinessa fa la fèsta
Lou biòu dança, l'ase canta
La joinessa fa la fèsta
Lou biòu dança, tu t'en vas
Tu t'en vas e ieu demori
Tu t'en vas e ieu demori
Adieu paura, adieu paura
Adieu paura, paura orsa

« Quand Canelle est morte, en 2004 (j’avais 23 ans), j’ai été bouleversé. C’était la dernière femelle de son espèce, et nous le savions tous, en Béarn. Elle était le symbole de nos montagnes pyrénéennes. Je me suis alors promis d’écrire un jour son histoire.
Lors de la conception de mon premier album solo sorti en 2018, je me suis donc tout naturellement rappelé de cette promesse que je m’étais faite.
Sauf que depuis, les choses ont bien changé. Nous vivons la 6eme extinction de masse, et 400 espèces, animales ou végétales, disparaissent chaque jour de notre jolie planète. L’histoire de Canelle prenait donc un tout autre sens, et pouvait me permettre de questionner la place de l’homme au sein de la nature…
Ce clip était aussi l’occasion de contrer la véhémence des bergers « anti-ours », qui n’hésitent pas à se faire entendre. Car les bergers d’aujourd’hui, qui ne gardent plus leurs troupeaux, et qui n’ont plus recours aux patous des Pyrénées (le seul chien qui fait peur à l’ours), réclament des montagnes aseptisées pour faire paturer leurs bêtes. Mais l’ours était là depuis des millénaires, et c’est à nous, à l’Homme, de s’adapter à sa présence, et non l’inverse.
Voilà comment, à travers l’histoire de Canelle, j’ai souhaité attirer l’attention collective sur l’effondrement des espèces et des ecosystèmes. J’ai reçu de multiples messages de professeurs des écoles qui souhaitent faire apprendre la chanson à leur classe. En ce sens, la sortie de ce clip est une magnifique victoire.
Maintenant, il appartient à chacun de questionner son comportement propre, pour ne pas que j’écrive demain ou après demain l’histoire du dernier hérisson, celle du dernier saumon sauvage ou de la dernière mésange… »